CONTRETEMPS
Pour sa septième réalisation, l’Association l’hospitalité artistique à Saint-François a choisi le thème du temps et convié l’artiste Sophie Bouvier Ausländer à s’en emparer. Composé d’une installation ajustée à l’espace de l’église et d’une infime alcôve aménagée dans la chapelle de Billens, « Contretemps » plonge le visiteur dans un jeu de tensions avec lesquelles il entrera en résonance. Peut être.
Pas de consigne, pas d’injonction, tout est donné, tout est à vivre.
L’installation luminescente surprend le visiteur dès son entrée dans l’église. De l’orgue jusqu’au chœur, les rais noirs composés d’étranges langues de film plastique étiré semblent indiquer une trajectoire. Saisi, le visiteur suit l’itinéraire présumé. De mur en mur, de rebond en rebond, d’oblique en oblique, la nuée suspendue au-dessous des voûtes semble hésiter et douter de sa propre destination. Après détours et dédales, le visiteur arrive au chœur, là où les filaments s’amenuisent. Il pense être parvenu au bout du parcours. Peut-être en doute-t-il – lorsqu’en se retournant – il voit les plis et replis de ce film tendu et drapé de lumière qui l’a conduit jusqu’ici ? De quelle comète éphémère cette chevelure hirsute est-elle la trace ? Ces éclats de lumière ne sont-ils pas plutôt la rémanence d’une explosion primordiale ? Le visiteur pensait simplement traverser l’espace de la nef, mais n’est-ce pas plutôt littéralement dans le temps, qu’il vient de cheminer ? D’ailleurs, des événements marquants de son existence, jubilatoires ou douloureux, ne sont-ils pas remontés à sa mémoire au gré de sa déambulation sous ce ruban diaphane, à la fois opaque et lumineux ? Le temps de la fin n’est pas là où il pensait le trouver. Après avoir fait demi-tour, il s’avance vers ce lieu sans lieu où tout a commencé : à l’entrée, à moins que ce ne soit à la sortie, ouverte sur l’infini.
En retournant sur ses pas, le visiteur trouve, à l’écart de la nuée monumentale, la chapelle! de! Billens. Est-ce une clairière ou un jardin clôturé ? Des tableaux de l’artiste l’y attendent et le pressent de s’arrêter. Après avoir vainement poursuivi l’indisponible, peut-être s’éternisera-t-il dans cette alcôve, harponné par le silence, saisi dans les filets jubilatoires de la contemplation, autant de viatiques pour la route, car ici on ne fait que passer.
SOPHIE BOUVIER AUSLÄNDER
©Amélie Blanc
Sophie Bouvier Ausländer vit et travaille à Lausanne. Diplômée (PhD) en 2019 de la Slade School of Fine Art, UCL, Londres, elle expose en Suisse et à l’étranger, dans des galeries ou des musées. Son travail est présent dans de nombreuses collections privées et publiques. Sophie Bouvier Ausländer a en outre réalisé divers projets dans des bâtiments publics. Récipiendaire de nombreux prix, elle a notamment reçu le Grand prix de la Fondation vaudoise pour la culture en 2017.