TENTATIONS & PALPITATIONS

à SAINT-FRANÇOIS

Nous avons fait de la tentation une affaire de friandises et de séduction, de bagatelle et de plaisir de la chair : autant dire une tentation de toc et d’écume qui fleure le moralisme et la culpabilisation. La tentation dans la Bible n’est pas une affaire d’accident de parcours, d’écart de conduite, comme on le croit ; le terme renvoie à une réalité anthropologique universelle : celle qui caractérise l’humain lorsqu’il prend conscience de son inaccomplissement.

A moins d’être hors sol, l’humain ne peut vivre – en effet – sans éprouver parfois douloureusement qu’il y a de l’inachevé en lui. Il s’y cogne régulièrement et il n’est pas étonnant qu’il s’ingénie à vouloir échapper à ce qu’il considère comme une malfaçon coupable, un manque à combler. La tentation est un état chronique de l’humain qui ne cesse de se débattre avec cette insuffisance qui le blesse et l’humilie. La tentation en l’humain se repère à ses incessantes tentatives laborieuses – conscientes ou non – d’échapper à ses impasses, comme à ses ombres. Georges Haldas écrivait : « La pire tentation est de désespérer de soi. Précisément parce qu’il y a de quoi » ; à quoi il faut ajouter cette autre tentation, qui est celle de sauver les apparences, de se farder pour se montrer sous son meilleur profil et faire illusion. Dans ces multiples stratégies pour échapper à la tentation, l’humain a souvent pensé les églises comme des sanctuaires où il en serait momentanément à l’abri. Mais c’est plutôt le contraire qui est vrai. Les églises, parce qu’elles résonnent d’une Parole qui dit l’humain dans son intégralité en la dédramatisant, sont des espaces où il ne peut se dérober à son indépassable limite ; non qu’il y soit jugé, mais parce qu’il y entend l’écho d’une bénédiction venue de loin et qui lui répète joyeusement qu’il est accueilli et accepté tel qu’il est, invité à se tenir debout sans en éprouver de honte.

Bonne nouvelle de la tentation lorsqu’elle nous conduit jusqu’à cette altérité radicale qui nous fait hospitalité et nous délivre de cette quête obsessionnelle de perfection et d’artifice. C’est à cette possible rencontre que nous convient les deux artistes invités par l’association l’Hospitalité artistique à s’emparer du thème de la tentation(s) à Saint-François. Le visiteur qui franchira le seuil de la nef franciscaine lèvera les yeux vers ces mots puissants et magiques écrits sur les bâches aiguisées de Gilles Furtwängler. Y reconnaîtra-t-il une affinité avec ces mots qui ne cessent de le traverser et de s’emparer de lui pour lui faire miroiter la sécurité et la satisfaction d’une identité enfin sans défaut : le pouvoir, l’argent, l’avoir ? Au sol, le même visiteur s’interrogera devant les statues baroques déposées par Christian Gonzenbach, statues dédiées à des dieux inconnus ou, hélas, trop connus. Elles semblent inertes, mais ne vous y trompez pas, elles activent une mémoire rétinienne qui s’accompagne d’une lancinante question : « Ne les ai-je pas déjà une fois rencontrés, ces dieux anonymes ? » Pour s’en convaincre, le visiteurs les contournera pour voir ce qu’elles cachent, il les touchera et se demandera « Que nous promettent ces statues offertes à notre dévotion ? »

Jean-François Ramelet, Pasteur de l’esprit sainf

 

¹ GEORGES HALDAS, CARNETS DU DÉSERT, L’ÉTAT DE POÉSIE, CARNETS 1986. L’ÂGE D’HOMME, LAUSANNE, 1990 P.68

LES ARTISTES

Gilles Furtwängler (1982) travaille les mots, il est aussi « perfomeur ». Il installera de grandes bâches suspendues entre les contreforts de la nef, avec une combinaison de mots, d’expressions, de citations, de bribes de conversation glanées ça et là en résonance avec le thème, il crée des images mentales,
comme un poème visuel.

Gilles Furtwängler est un artiste diplômé de l’ECAL, qui vit
et travaille entre Lausanne et Johannesburg.

Christian Gonzenbach (1975) travaille quant à lui les volumes ; il déposera au sol de grandes sculptures comme échouées dont le sens hésitera entre étrangeté et familiarité dans lesquelles le visiteurs repérera, ou non, les scories de statues baroques que l’on trouve encore dans des églises ; objets de piété à des dieux inconnus ou alors trop connus de nous.

Christian Gonzenbach est un artiste genevois. Il est enseignant
à la HEAD (Haute école d’art et de design de Genève).

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